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Le comédien Damien Ricour est décédé

Il avait interprété sur scène de nombreuses figures spirituelles, tels Charles de Foucauld, Pier-Giorgio Frassati et François d’Assise.

Le comédien Damien Ricour est décédé vendredi 30 décembre, des suites d’un cancer. Marié et père de quatre enfants, il avait 44 ans.

Formé à l’école internationale Jacques-Lecoq, il avait travaillé avec différents metteurs en scène comme Ariane Mnouchkine, Habib Naghmouchin ou Christiane Marchewska avant de créer son propre univers et la compagnie du Théâtre de l’Aiguillon, pour « donner le goût de l’aventure et du risque », expliquait-il à La Croix en 2014.

Catholique engagé, il avait interprété sur scène de nombreuses figures spirituelles, tels Charles de Foucauld, Pier-Giorgio Frassati et François d’Assise. À propos de ce dernier, Damien Ricour expliquait : « Ce n’est pas moi qui l’ai choisi, mais lui qui m’a choisi. Il porte en lui quelque chose de décalé, une folie qui me rejoint » ; avouant aussi s’identifier au personnage dans « sa fougue et sa générosité ».

Au cours d’une veillée avec l’association les Semeurs d’espérance, le 9 juin 2016, il a témoigné avec sa femme Élisabeth d’une longue dépression vécue il y a quelques années, ainsi que l’annonce de son cancer, apprise alors qu’il participait au festival d’Avignon, et que sa femme attendait leur quatrième enfant.

 

Comédien depuis plus de 20 ans décédé vendredi 30 décembre, Damien Ricour a toujours mis son art au service de sa foi. Il avait interprété son spectacle inspiré de l’existence de François d’Assise aux Rencontres de la joie, organisées par La Vie en mars 2015 à Paris. Nous republions ce témoignage en hommage.

« Chaotique. Tel est le contexte dans lequel je suis entré dans la vie. Non désiré par mon père, qui a plié bagage avant ma naissance, j’ai vécu mes deux premières années chez une nourrice. Ma mère, très malade, venait me voir tous les week-ends. Jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai veillé sur elle. Notre vie était soumise aux allers-retours entre la maison et l’hôpital psychiatrique où elle était soignée. Sans repères solides, j’ai tenté, malgré tout, de me construire, nourri de l’amour de ma mère, qui n’a jamais failli, mais aussi de celui de mes cousins et de mes oncles et tantes.

Tout s’est vraiment dégradé dans ma quatorzième année. J’étais alors beau, entreprenant, je plaisais aux filles, je faisais rire. Accident de mobylette. Dents cassées. Court temps de coma. « Dieu, où étais-tu à ce moment-là ? » Mon enfance avait été suffisamment difficile comme ça… Première colère. Première fois que ma chair était atteinte. Qu’une porte s’entrebâillait, laissant apparaître ma fragilité.

Un peu plus tard, au lycée, la pente glissante a débouché sur une déscolarisation. J’ai pris la route, avec cette idée que la drogue me permettrait de mourir. Dieu n’avait plus de place dans cette vie que je n’estimais pas. Vaquant de squat en squat, je prenais comme modèles des compagnons de galère, à défaut d’avoir un père.

Au bout d’un an, je suis rentré à Paris, sans argent. Un soir, désespéré, je n’ai pu que crier vers Dieu : « Que veux-tu que je fasse ? » La nuit même, j’ai rêvé de théâtre… J’aime les planches depuis mes 8 ans, lorsque je suis monté sur scène pour la première fois. Moi qui n’avais jamais su comment me situer, je m’étais enfin senti à ma place. J’existais.

Cette quête d’amour et de reconnaissance, Dieu avait dû la percevoir en moi bien des années auparavant. À l’époque, la foi était très présente à la maison. Avec ma mère, nous lisions la Bible, allions à la messe parfois, visitions les soeurs franciscaines. Et, tout petit, j’ai ressenti un appel du Christ extrêmement fort : c’est comme s’Il me choisissait. À cette élection se mêlait la sensation d’être aimé de manière inconditionnelle et d’être habité par une grande joie. Seul Lui pouvait me débarrasser de tous mes problèmes. Samuel, appelé par Dieu (1 Samuel 3), c’était moi. Ce sentiment d’avoir été élu n’était pas dénué de toute-puissance. Me plaçant sur un plan strictement humain, j’allais enfin prouver qui j’étais : « Dieu t’a choisi, il va tout planifier. Tu seras encore plus connu que Michael Jackson ! »

D’un point de vue spirituel, un autre événement marquant a eu lieu quand j’avais 9 ans, année du décès de mon grand-père maternel. Cet homme tendre, drôle et cultivé m’a beaucoup marqué. Mais, j’ignore pourquoi, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le pitre avec mes cousins lors de son enterrement. Quelque temps après, j’ai assisté à une messe en latin avec les scouts. Bien que ne saisissant absolument rien à la liturgie, je me suis soudainement et physiquement senti saisi par un souffle venu d’ailleurs. Explosion de larmes. Repentance. « Je n’aurais jamais dû rigoler, faire le clown à son enterrement… et j’ai été dur avec grand-père parfois. » Ce saisissement n’était pas du même ordre que celui que j’avais ressenti tout petit. La première fois, c’est comme si une main m’avait sorti la tête de l’eau pour me permettre de respirer. Là, ce courant, humble, doux et bon, m’avait littéralement pénétré et me faisait percevoir ma pauvreté intérieure. À 42 ans, j’en pleure encore.

Fils unique, j’ai dû, dès mon plus jeune âge, jouer à peu près tous les rôles. Au fil de ma carrière, j’ai beaucoup développé le solo, qui me correspondait bien, en alternant spectacles profanes et pièces où je témoigne de ma foi. C’est après la fameuse nuit où j’ai rêvé de théâtre que j’ai décidé de me lancer dans cette voie. Peu à peu, mon goût pour la vie a repris. Le fait d’être en représentation rejoignait mes aspirations enfantines : briller, être applaudi, aimé.

Un jour, un ami de l’école de théâtre m’a proposé de jouer une pièce sur le bon larron dans son temple protestant. Une semaine avant la représentation, j’ai participé à une célébration. Lorsque le pain et le vin m’ont été présentés, au moment du partage eucharistique, j’ai entendu cette parole au fond de mon être : « Si tu manges mon corps et bois mon sang, tu dois te donner à moi. » Si j’acceptais, mon existence prendrait un tout autre sens, je le savais. Prononçant « Oui, Jésus, je t’accueille », j’ai porté à ma bouche le pain et le vin. Pour la troisième fois de ma vie, j’ai été saisi de l’Esprit saint. Retournement intérieur. À cet âge, j’aurais pu penser que le bonheur était d’avoir une belle voiture, une maison, la reconnaissance… Ce jour-là, j’ai enfin compris que ce n’était pas la gloire qui me sauverait, mais Son amour. Dieu me prenait tout entier, pauvre, fragile, limité. C’était la plus belle chose que je pouvais recevoir. Indicible joie.

 

À partir de ce moment, mon seul désir a été de me construire avec le Christ. Une année au service de la vie du temple, avec le pasteur, une autre au sein de l’Église m’ont permis de comprendre que je n’étais pas appelé à la vie consacrée. En parallèle a émergé l’envie de parler de Dieu dans mes spectacles. C’est comme ça que j’ai couché sur le papier Bienvenue au Paradis, version complétée du Bon Larron. Prisons, écoles, paroisses… depuis, je joue partout où ma voix peut trouver une place.

La joie dans l’épreuve. C’est ce que j’expérimente depuis une dizaine d’années. Jalonnées de très beaux événements, comme mon mariage avec Élisabeth et la naissance de mes enfants, elles furent aussi marquées par de grandes souffrances. Durant environ deux ans, j’ai connu la dépression. À certains moments, il m’était impossible de jouer sur scène. Une seule chose m’apaisait : savoir que Dieu était là, à mes côtés. Alors, je n’ai pas cessé de lui parler. Mais parfois, l’adresse se faisait cri, face au tourbillon de solitude dans lequel je m’enlisais.

Les médecins ont diagnostiqué une forme de bipolarité. Je serai suivi à vie. Tout ce que je veux, c’est ne pas retomber : pour moi, la souffrance psychologique est la pire de toutes. Il y a eu aussi l’annonce de mon cancer à l’oeil, l’été dernier, à Avignon. Juste avant de partir en tournée, j’étais tombé sur cette parole : « Rien n’est impossible à Dieu. » Sur le moment, bêtement, j’ai pensé à mon spectacle : « Cela va bien se passer. » Aujourd’hui, je pourrais compléter cette phrase par : « Il peut aller jusqu’à me faire ce cadeau. » Oui, je considère mon cancer comme un cadeau. Peu m’importe de connaître son sens ou son origine. Je sais juste que l’amour de Dieu est tel qu’Il va jusqu’à permettre cela.

Dans l’Évangile, que le paralytique guérisse ou non, Dieu va jusqu’à descendre au fond de ses ténèbres. Aussi étrange que cela puisse paraître, mes ténèbres à moi sont imprégnées de la « joie en Dieu ». Elle n’est pas volontaire ou fruit d’une méthode. Elle n’est en rien dépendante d’un contentement, de satisfactions, déceptions ou souffrances humaines. Pure, grâce, elle vient d’ailleurs. Récemment, j’ai confié à mon père spirituel que, sur la Croix, le Christ avait dû être joyeux. La joie, telle est la réponse ultime. »

Ses obsèques seront célébrées vendredi 6 janvier à 10 h 30 à l’église Saint-Paul-des-Sablons à Compiègne (Oise). Elles seront précédées par une veillée de prière jeudi 5 janvier à 20 h 30, dans la même église.

Sources : lavie.fr / la-croix.com

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