2019, année sous les feux A la Une France Monde Science Société by info.elyon.fr - 31 décembre 20195 mai 20200 2019 a été une année marquée par des incendies de grande ampleur à travers le monde. Actuellement, des feux ravagent l’Australie et ce depuis plusieurs mois. Avant elle, l’Indonésie, l’Europe, l’Afrique, la Sibérie jusqu’à l’Arctique ont été touchés par ce phénomène, souvent « sans précédent ». Cette année, la planète a fait face à un nombre conséquent de feux jugés « sans précédent ». Depuis le mois de septembre, trois millions d’hectares ont brûlé en Australie, en proie à des incendies incontrôlables. L’été dernier, des feux ont également ravagé la Sibérie, l’Arctique, le bassin du Congo, « deuxième poumon vert mondial » ou encore la forêt amazonienne où entre janvier et septembre 2019, le nombre d’incendies a augmenté de 41% par rapport à l’année précédente. Des incendies qui s’apparentent à des « méga-feux », même si le terme n’a pas encore de définition scientifique précise et s’applique différemment selon les pays. Aux États-Unis, l’écrivain journaliste William Finnegan, dans un long article intitulé « Carlifornia burning » (ou ici en version française), évoque des incendies qui détruisent plus de 40 000 hectares. « Nous sommes entrés dans l’ère des méga-feux, comme on appelle ceux qui détruisent plus de 40 000 hectares », écrit Finnegan. « Il est admis qu’on parle de méga-feu dès lors que la surface parcourue par les flammes ainsi que sa vitesse de propagation atteignent des dimensions exceptionnelles – par exemple au-delà de 10 000 hectares pour la surface – et que les dommages causés sont largement supérieurs à ceux des incendies ‘classiques’ », explique le Sénat dans son rapport publié en septembre « Les feux de forêts : l’impérieuse nécessité de renforcer les moyens de lutte face à un risque susceptible de s’aggraver ». Une situation qui concerne la France, précise le rapport. « Par leur intensité, leurs conséquences, leur durée et leurs dimensions, ces feux hors normes, de plus en plus incontrôlables, sont à la fois un effet et une cause du réchauffement climatique », racontait en octobre dernier au journal Le Monde la philosophe Joëlle Zask, autrice du livre Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique. « Ils ravagent l’Amazonie, bien sûr, mais sévissent aussi en Sibérie, dans toute l’Indonésie, en Afrique, en Australie, en Europe du Nord, y compris près du cercle polaire… » Des feux qui ne sont pas « une nouveauté » ajoute la philosophe, leur répétition en Californie a permis une prise de conscience. Chaleur record et incendies sans précédent. « 2019 marque la fin d’une décennie de chaleur exceptionnelle, de recul des glaces et d’élévation record du niveau de la mer à l’échelle du globe, en raison des gaz à effet de serre produits par les activités humaines », alertait un récent rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). D’après cette étude publiée le 3 décembre dernier, 2019 sera sur le podium des années les plus chaudes enregistrées depuis 1850. Entre janvier et octobre, note l’OMM, la température moyenne mondiale pour 2019 dépassait de 1,1° degré celle de la période préindustrielle (1850-1900). Au quotidien, les impacts du changement climatique se manifestent par des conditions météorologiques extrêmes et « anormales ». Et en 2019, de nouveau, les aléas météorologiques et climatiques ont fait de lourds dégâts. Les vagues de chaleur et les inondations, qui frappaient jadis « une fois par siècle », se produisent de plus en plus régulièrement. (…) Les feux de forêt ont balayé l’Arctique et l’Australie. Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM Concernant les feux de forêt, l’OMM indique une année « plus active que la moyenne dans plusieurs régions des hautes latitudes » avec des incendies « dans certaines régions de l’Arctique où ils étaient auparavant extrêmement rares ». En Indonésie, en proie à une importante sécheresse, et en Amérique du Sud aussi, les incendies ont été plus nombreux cette année. Déjà plus de 200 feux en Australie. En Australie, plus de trois millions d’hectares ont brûlé en trois mois, notamment dans la région de Sydney. « Nous sommes à 100 km de ces incendies mais nous sommes impactés tous les jours avec cette fumée, cette odeur permanente, ce ciel gris et ce soleil un peu orangé, une couleur très particulière. Il y a une situation d’apocalypse et d’impuissance », décrit le journaliste François Vantomme, installé à Sydney. Plus de 200 feux ont été recensés ces jours-ci dont 70 ne sont toujours pas contrôlés, d’après les autorités. Début décembre, elles avaient évoqué « plus de huit feux » qui s’étaient regroupés et avaient formé un « méga-feu » qui brûlait de manière incontrôlée. Depuis le mois de septembre, dix personnes ont été tuées et plus de 800 maisons détruites dans le gigantesque brasier. Des feux particulièrement précoces et virulents cette année dus à une conjonction de facteurs : précipitations faibles, températures élevées (l’Australie a enregistré deux records mi-décembre avec 41,9 degrés et 42,9 degrés en moyenne sur l’ensemble du pays) et des vents forts. Ces phénomènes risquent de se « multiplier » affirme Sylvain Angerand, spécialiste forêt aux Amis de la Terre, qui estime qu’ »il y a peu de choses à mettre en place, si ce n’est d’en prendre la mesure, de mieux préserver ce qui reste à préserver et d’arrêter l’expansion ». Il déplore les « méga plantations d’eucalyptus », très présentes en Australie, des arbres « très sensibles au feu et qui s’enflamment très facilement ». Les différents éléments se combinent et entraînent ensuite des phénomènes de méga-feux comme connaît actuellement l’Australie. L’Amazonie, la Sibérie et l’Arctique fortement touchées Le service européen de surveillance de l’atmosphère Copernicius estime que le nombre de feux de forêt a été « dans la moyenne » pour 2019, en notant tout de même des épisodes « sans précédent » à divers endroits. Il relève que les feux en Amazonie ont entraîné les émissions de carbone les plus importantes de la dernière décennie. En Sibérie et en Arctique, les incendies ont « causé un nuage de fumée et de suie plus grand que l’Union européenne ». En août dernier, l’Institut national de recherche spatiale brésilien, chargé de mesurer la déforestation en Amazonie, indiquait une hausse de 83% des feux de forêt au Brésil, avec 72 843 départs de feu entre janvier et août. En Sibérie, les écologistes ont déploré une « catastrophe » face aux 12 millions d’hectares de forêt réduits en cendres, d’après Greenpeace Russie. Des feux courants en été dans la région mais l’ampleur a été telle cette année qu’ils pourraient avoir des conséquences environnementales sur le long terme, notamment sur la fonte des glaces. « Il y a aussi le problème de la suie qui tombe sur la glace ou la neige, la faisant fondre ou l’assombrissant et réduisant ainsi la capacité de sa surface à réfléchir la chaleur », explique à l’AFP l’Organisation météorologique mondiale. Un véritable cercle vicieux si l’on en croit les explications du climatologue Jean Jouzel sur franceinfo : « Cette année compte dans celles où l’extension de la banquise est la plus faible et cela accélère la fonte de la banquise, qui elle-même accélère le réchauffement ». En juin dernier, l’équivalent de 100 000 terrains de football a brûlé dans les régions arctiques. D’après l’OMM, le dioxyde de carbone dégagé par ces feux était supérieur à celui émis par la Suède sur une année entière. Ces incendies sont dus à divers phénomènes, explique Sylvain Angerand : C’est la combinaison des premiers effets visibles du réchauffement climatique, avec des niveaux de sécheresse très importants, des températures élevées, des sols qui commencent à craqueler dans de nombreux endroits, notamment en Sibérie. Là-bas, pendant des années, il y a toujours eu des sols gelés, les permafrost. Aujourd’hui, ces sols dégèlent et deviennent plus sensibles. Puis il y a les activités humaines, de plus en plus nombreuses et qui se développent dans des secteurs où il n’y en avait pas auparavant, comme dans la forêt tropicale d’Amazonie ou en Indonésie où les moteurs de ces feux sont davantage les défrichements pour cultiver du soja ou pour la culture d’huile de palme. Sylvain Angerand, spécialiste forêt aux Amis de la Terre. Aux États-Unis, la Californie est touchée chaque année par des incendies d’ampleur. « À l’échelle du pays, la saison des incendies dure en moyenne 68 jours de plus qu’en 1970 », selon le Service fédéral des forêts. « Les superficies détruites ont doublé en trente ans », écrit le journaliste William Finnegan. Dans son article, il précise que la saison s’étend jusqu’au mois de décembre à Los Angeles. Cet automne, près de 40 000 hectares ont été détruits par les flammes dans l’État de l’ouest américain. Un bilan moindre que celui de l’an dernier dans la région : « Camp Fire » (le nom de l’incendie) avait tué 86 personnes et brûlé plus de 65 000 hectares. Aux États-Unis et au Canada, les forêts deviennent un terrain particulièrement propice aux incendies, explique aussi William Finnegan. « Des insectes parasites tels que le dendroctone du pin ponderosa aiment la sécheresse et les forêts denses. La dernière invasion en date, d’une ampleur inégalée, a détruit des centaines de millions d’arbres dans une grande partie de l’ouest des États-Unis et du Canada. Les arbres morts font du petit bois idéal pour un méga-feu », avance le journaliste. La forêt africaine menacée ? Les associations de défense de l’environnement, en particulier Greenpeace, ont exprimé de vives inquiétudes suite aux milliers d’incendies qui ont touché le bassin du Congo. Emmanuel Macron s’était aussi fait l’écho de ces incendies lors du G7 à Biarritz. La région est connue pour être le « deuxième poumon vert » de la planète, après l’Amazonie. La forêt s’y étend sur deux millions de km² et abrite de nombreuses espèces en voie de disparition, comme les éléphants des forêts ou les grands singes. Toutefois, malgré le nombre important de feux, les experts ont indiqué qu’il s’agissait essentiellement de feux « dans la savane, où l’on trouve peu d’arbres et sur des terres cultivées par de petits agriculteurs ». Tosi Mpanu Mpanu, ambassadeur et négociateur climat pour la République démocratique du Congo aux conférences climat des Nations unies, concède cependant que les forêts du pays sont « menacées de disparition à l’horizon 2100 », compte tenu de l’accroissement de la population et des besoins en énergie, évoquant une « déforestation réelle ». Les îles de Bornéo et Sumatra, refuge des orangs-outans, sous les flammes Tous les ans, des incendies touchent l’Indonésie, notamment les îles de Bornéo et Sumatra où une centaine de milliers d’orangs-outans vit en liberté. Cette année, les feux ont été particulièrement dévastateurs, brûlant plus de 328 000 hectares et répandant un brouillard toxique jusqu’en Malaisie et à Singapour pendant de longues semaines. Des milliers d’écoles et plusieurs aéroports ont dû être fermés. Jusqu’à 29 000 pompiers et militaires ont été déployés. Ces feux sont souvent d’origine humaine, déclenchés pour nettoyer des forêts défrichées ou préparer des parcelles pour l’agriculture. Mais la saison sèche, particulièrement longue et intense en 2019, a causé leur intensification, comparable à ceux de 2015, répertoriés comme étant les pires depuis deux décennies dans le pays. Fin septembre, l’Unicef s’inquiétait pour la santé de près de dix millions d’enfants en Indonésie en raison des vastes nuages de fumée toxique dégagée par les feux. En Europe Dans un rapport publié fin octobre, la Commission européenne indique quelque 178 000 hectares de forêts et de terre brûlés dans l’Union européenne pour l’année 2018, un chiffre moindre qu’en 2017 et que la moyenne à long terme mais le nombre de pays touchés est « plus élevé que jamais ». Étonnamment, la Suède est le deuxième pays le plus concerné par ces feux, après le Portugal, « une position inhabituelle pour un pays du nord », affirme le rapport. En raison des températures caniculaires qui ont touché l’Europe cet été, le risque d’incendie était particulièrement élevé dans certains pays comme l’Espagne, la Pologne, l’Italie ou encore la Grèce. En raison des températures caniculaires qui ont touché l’Europe cet été, le risque d’incendie était particulièrement élevé dans certains pays comme l’Espagne, la Pologne, l’Italie ou encore la Grèce. Les chiffres pour 2019 n’ont pas été publiés mais la Commission européenne évoque déjà une saison des incendies qui a « débuté à un stade précoce en raison de conditions climatiques sèches et venteuses combinées à des températures élevées ». Elle ajoute qu’au mois de mars 2019, « le nombre d’incendies était déjà supérieur à la moyenne d’une année entière au cours de la dernière décennie » avec des feux « critiques » dans le Delta du Danube. En août dernier, près de 10 000 hectares de l’île de Grande Canarie (Espagne) ont été « affectés » par le feu. Un « drame environnemental » a déclaré le président des Canaries Angel Victor Torres. Les vents violents, les températures caniculaires et la sécheresse ont aussi attisé les flammes en Grèce durant l’été, notamment sur l’île d’Eubée où plus de 2 400 hectares dont 1 000 de forêts de pins ont été détruits. Au moins 7 000 hectares de forêts sont également partis en fumée au Portugal en juillet. Une situation à laquelle l’ensemble du monde risque d’être de plus en plus confronté, d’année en année. Source : franceculture.fr © info.elyon.fr Courte reproduction partielle autorisée suivie par un lien redirigeant vers cette page. Articles similaires